4-11-2001

 

CECILIA BARTOLI

 

                

 

 

Le parcours de Cecilia Bartoli

LE MONDE.FR | 04.10.01 | 12h45

Originaire de Rome, Cecilia Bartoli y a suivi des cours de chant au Conservatoire de Sainte-Cécile, tout en étudiant avec ses parents, Silvana Bazzoni et Angelo Bartoli, tous deux chanteurs professionnels.

C'est sa collaboration avec Herbert von Karajan, puis avec Daniel Barenboim et Nikolaus Harnoncourt, qui a marqué le début de sa carrière: avec Karajan, la Messe en si de Bach, avec Barenboim le cycle da Ponte de Mozart et, sous la direction d'Harnoncourt, l'interprétation, pour la première fois sur scène, d'un rôle mozartien : celui de Chérubin, en 1988, à Zurich.

Depuis lors, elle a travaillé avec une foule d'autres chefs importants, dont Claudio Abbado, Pierre Boulez, Riccardo Chailly, William Christie, Myung-Whun Chung, Charles Dutoit, Christopher Hogwood, James, Levine, Zubin Mehta, Riccardo Muti, Sir Simon Rattle, Giuseppe Sinopoli et Sir Georg Solti.

Parmi les sommets de sa carrière à l'opéra, retenons les rôles de Chérubin (Opéra de Zurich, mise en scène Ponnelle, direction Harnoncourt), Zerlina (Scala de Milan, Strehler/Muti, et Festival de Salzbourg, Chéreau/Barenboim), Dorabella (Maggio Musicale Fiorentino, Miller/Mehta, et Theater an der Wien, de Simone/Muti), Suzanne, Donna Elvira et Fiordiligi (Opéra de Zurich, Flimm/Harnoncourt), Cendrillon (Metropolitan Opera, Lievi/Levine), Suzanne (Metropolitan Opera, Miller/Levine), Despina (Metropolitan Opera, Curning/Levine), Euridice dans L'Âme du Philosophe, de Haydn (Theater an der Wien, Flimm/Harnoncourt), et Nina, dans l'opéra du même nom de Paisiello (Opéra de Zurich, Lievi/Fischer).

Mais ses interprétations sur les scènes d'opéra ne sont pas tout.

Cecilia Bartoli attache tout autant d'importance à ses récitals et à ses concerts. Des pianistes réputés tels que Daniel Barenboim, Myung-Whun Chung, James Levine, András Schiff et Jean-Yves Thibaudet l'accompagnent régulièrement en récital. Son intérêt croissant pour la musique baroque l'a conduite à collaborer avec des ensembles qui, actuellement, dominent l'univers de la musique ancienne : il n'est que de citer le Contentus Musicus de Vienne, Il Giardino Armonico, l'Akademie für Alte Musik Berlin, The Academy of Ancient Music et Les Arts Florissants.

Cette année, Cecilia Bartoli s'est produite à Brême, Birmingham, Amsterdam et Paris dans des versions concertantes de l'opéra L'Âme du Philosophe, de Haydn, sous la direction de Christopher Hogwood, ainsi que dans les rôles d'Angelina (Cendrillon) et Donna Elvira (Don Giovanni) à l'Opéra de Zurich. En mars, elle a donné avec Il Giardino Armonico quatre concerts Vivaldi au Canada, en Californie et à New York, suivis de récitals à Chicago et New York avec Daniel Barenboim au piano, ainsi que de plusieurs présentations des Nuits d'été, de Berlioz, avec le Chicago Symphony Orchestra, sous la baguette de Daniel Barenboim. Elle a chanté cette même œuvre en avril à Amsterdam et Londres sous la direction de Pierre Boulez. A noter encore au programme de l'année 2001 des concerts Vivaldi et Gluck dans les grandes métropoles musicales d'Europe (en Allemagne, Norvège, Suède, Russie, Pologne, Autriche, France, Suisse et Angleterre). Cet été, elle participera aux festivals de Salzbourg, Lucerne, Bad Kissingen, Rheingau ainsi qu'au "styriarte" de Graz. C'est en octobre qu'auront lieu ses débuts très attendus au Royal Opera House Covent Garden à Londres, dans L'Âme du Philosophe, de Haydn.

 

 

Les rêves et la fureur de Cecilia Bartoli

LE MONDE | 05.10.01 | 13h53

Peu à peu, Cecilia Bartoli exhume des partitions oubliées dans les bibliothèques musicales européennes. Elle s'est ainsi intéressée aux cantates de Gioacchino Rossini dont elle a laissé des interprétations stupéfiantes de virtuosité, de présence dramatique et poétique, puis tout récemment à des grands airs tirés des opéras d'Antonio Vivaldi : son Orlando Furioso, féroce, halluciné est déjà entré dans la légende discographique.

   

Fouineuse insatiable, Cecilia Bartoli avait aussi rendu un hommage, depuis longtemps attendu, à Pauline Viardot, la compagne de Tourgueniev, l'amie de Frédéric Chopin, de George Sand, de Camille Saint-Saëns, de Liszt et de toute l'intelligentsia européenne que cette polyglotte recevait chez elle, à Baden-Baden, avant la guerre de 1870 qui devait la contraindre à rentrer en France où elle tint salon jusqu'à sa mort, en 1911. La France doit à cette femme exceptionnelle de posséder le manuscrit du Don Juan, de Mozart que les bibliothèques de Prusse et de Vienne ne voulurent pas acheter quand son propriétaire le mis en vente, à Londres, au XIXe siècle. Pauline Viardot l'acheta, le garda longtemps chez elle et, lassée dit-on, des innombrables visites de musiciens voulant le contempler, elle le donna à la Bibliothèque nationale. Cette femme extraordinaire, fille de Manuel Garcia, créateur du Barbier de Séville, de Rossini aura vécu assez longtemps pour connaître Da Ponte, le librettiste de Mozart, à New York, lors d'une des tournées de la troupe de son père, et Igor Stravinsky, à Paris, à la fin de sa vie ! On lira avec profit, la biographie romancée, mais exacte pour ce qui est des informations qu'Arièle Butaux vient de lui consacrer aux éditions Michel de Meaule.

Contralto, pianiste et compositeur de grand talent. créatrice de rôles écrits sur mesure pour elle par Giaccomo Meyerbeer, Charles Gounod et, rien moins, que de la Rhapsodie pour contralto, chœur d'hommes et orchestre de Johannes Brahms, Pauline Viardot avait été l'héroïne d'une des premières grandes appropriations du répertoire ancien par le romantisme français. Pour elle, Hector Berlioz et Camille Saint-Saëns ont arrangé, réécrit, mélangé les différentes versions italienne, viennoise, parisienne d'Orphée et Euridice, du chevalier Christoph Willibald Gluck. Cet opéra qui avait été l'un des grands succès lyriques de la seconde moitié du XVIIIe siècle retrouva ainsi sa place sur les scènes lyriques. A tel point que des années plus tard, Claude Debussy qui venait de découvrir les opéras de Rameau et s'en était pris de passion, publia un article vengeur contre Gluck.

Debussy n'aura pas été entendu et s'est aussi bien ainsi et pour une fois, il faut être du côté de Camille Saint-Saëns qui avait secondé Berlioz dans son entreprise de réhabilitation des tragédies de Gluck en plein romantisme et qui, dans le même temps, entreprenait d'éditer à ses frais les œuvres lyriques de Rameau pour les éditions Durant, bel exemple de clairvoyance. A la même époque, Brahms éditait Couperin pour les éditions Peters en Allemagne.

La musicologie a fait d'incontestables progrès, proportionnels à la découverte de traités, de manuscrits, de matériels d'orchestre, d'œuvres oubliés qui permettent par comparaison d'établir des partitions fiables qui résolvent bien des problèmes d'exécution et par-là d'interprétation. Soucieuse du moindre détail et de véracité historique, Cecilia Bartoli ne laisse jamais rien au hasard et quand elle s'est décidé à rendre hommage à Gluck, à des airs tirés de ses opéras italiens, elle a fait équipe avec le musicologue italien Claudio Osele a qui l'on doit l'édition critique d'un air "Berenice, chez fai ?", tiré d'Antigone. Claudio Osele a également conseillé Cecilia Bartoli pour l'établissement du programme de ce disque et il l'aura également guidé d'un point de vue musical. Depuis longemps déjà, la chanteuse a affirmé son attrait pour les musiciens qui jouent sur instruments anciens, pour leurs recherches inlassables et, plus largement, pour leur attitude expérimentale face aux œuvres qu'ils interprètent. Aussi, dès qu'elle le peut, elle préfère leur compagnie à celles des grands orchestres symphoniques et des grandes maisons d'opéra. Les Cassandre prétendent que ce choix est plus pratique qu'esthétique, car Bartoli aurait une voix trop peu puissante pour remplir une grande salle et passer au-dessus des orchestres et des chœurs des grandes salles d'opéra… Les Cassandre ont tort : comme Elisabeth Scharzkopff en son temps, Cecilia Bartoli a une voix si bien placée qu'elle se fait entendre sans problème dans des salles aussi grandes et mal sonnantes que le Metropolitan Opera de New York et l'Opéra Bastille, à Paris.  A la vérité, Cecilia Bartoli a trouvé dans le mouvement baroque des musiciens toujours près à expérimenter, comme elle, de nouvelles solutions, à envisager les œuvres d'un regard neuf sur lequel ne pèse pas le poids d'une tradition bien trop souvent erronée, près à passer du temps, sans regarder la pendule pendant les répétitions, pour essayer, tenter des options d'interprétation qui ne sont adoptées que si elles convainquent. Dans ce processus, les musiciens du rang ont leur mot à dire, travail collectif remplacé par le seul pouvoir du chef d'orchestre et éventuellement du soliste dans les orchestres "modernes".

Pour le nouveau disque que Bartoli publie chez Decca, la mezzo-soprano italienne s'est associée à l'excellente Akademie für Alte Musik Berlin et à son premier violon, Bernhard Forck. Les airs sont tirés des opéras italiens de Gluck dont les livrets sont du grand poète Pietro Metastase. La sveltesse, la verve bondissante, l'articulation franche, la précision des cordes qui n'utilisent le vibrato que de façon parcimonieuse, les sonorités crues des cors et des trompettes naturels, les timbales en peau donnent aux parties d'orchestre une vie, une présence que n'aurait pas un orchestre moderne, d'autant que clavecin luth et guitare viennent colorer le continuo. Et  Bartoli ? Est-elle seulement mezzo-soprano comme on peut le lire sur la pochette ? Elle serait plutôt, vu la longueur de sa voix, mezzo, voire contralto, et soprano. Il suffit pour s'en convaincre d'écouter le premier air "Tremo fra'dubbi miei", tiré de La Clemenza di Tito, pour en être convaincu. Mais au dela, des prouesses techniques d'une chanteuse qui vocalise avec un aplomb aussi renversant que Jasha Heifetez jouait du violon ou Georges Cziffra du piano, un aplomb fascinant, contagieux qui stupéfie même ceux qui sont culturellement portés vers un tout autre répertoire (nous avons fait écouter ce disque à des amis "rockeux" qui sont restés "scotchés"), il y a une tragédienne de premier plan. Limiter Bartoli à la pyrotechnie vocale serait injuste, car la chanteuse n'est pas moins chez elle dans l'expression de la douleur, de l'imploration et du rêve ; elle passe d'ailleurs avec une aisance confondante d'un sentiment à un autre en une fraction de seconde. L'air "Di questa cetra in seno" tiré d'Il Parnasso confuso atteint de ce point de vue des sommets de perfection vocale et dramatique d'anthologie. Bartoli y est engagée physiquement et psychologiquement comme si sa vie en dépendait, rappelant par-là l'investissement émotionnel d'une Maria Callas et d'une Beverley Sills, aux prises avec un répertoire bien différent et en une autre époque. Mais fondamentalement, l'approche intellectuelle et dramatique est là même, jusqu'à ce sentiment de liberté naissant d'un art magistral, si parfaitement transcendé qu'il donne l'illusion de l'improvisation, de l'émotion qui s'empare, certains soirs, des artistes quand ils sont sur scène et qu'ils jouent devant une salle à l'unisson de leur performance théâtrale autant que musicale. Et chez Metastase les mots ont un sens et signent une action dramatique qui n'est en rien statique ou dévitalisée.

Le tour de force de ce disque tiendrait de ce qu'il nous fait découvir des airs tirés d'opéras de Gluck qui ne sont pas inscrits au répertoire, de nous les faire aimer, comme si nous les connaissions de toujours. Le disque lui-même est un bel objet : adieu le plastique, place à l'album cartonné, petit livre précieux dont les pages sont vieillies comme celle d'un ouvrage précieux, orné de nombreuses illustrations, doté d'un texte de présentation passionnant et d'un livret qui donne les textes chantés dans leur version originelle et leur traduction en français.

Alain Lompech                  

Cecila Bartoli : Gluck italian Arias. Airs tirés de La Clemenza di Tito, Il Parnasso confuso, Ezio, La Semiramide riconosciuta, La corona et Antigono. Akademie für Alte Musik Berlin, Bernhard Forck, premier violon. Un CD Decca 467 248-2. 67'34 .

 

Cecilia Bartoli et Nikolaus Harnoncourt réunis pour l'"Armida" de Haydn

LE MONDE | 04.10.01 | 12h45

 Article daté du 16.06.2000

VIENNE de notre envoyé spécial

Rencontre au sommet, à Vienne, dans l'une des acoustiques les plus fabuleuses de la planète : Cecilia Bartoli enregistre pour Teldec le rôle-titre de l' Armida de Joseph Haydn, sous la direction de son chef bien-aimé, Nikolaus Harnoncourt. C'est en public, dans la grande salle de la Musikverein, le havre de l'Orchestre philharmonique de Vienne, un simple plan de type "boîte à chaussures" mais où le son ne reste jamais au ras du sol : la moindre note de clavecin y résonne avec clarté et chaleur, les voix y sont portées comme naturellement et si les instruments du Concentus Musicus de Vienne ne sonnent pas avec plus de rondeur et de fondu qu'à l'habitude, c'est non en raison d'une carence acoustique mais bien parce que Harnoncourt ne souscrit pas, là plus qu'ailleurs, au beau son.

Le regard habité jusqu'à l'inquiétant, la gestique monumentale et assez sèche, le chef autrichien ("baroqueux" autrefois honni en son propre pays, aujourd'hui - honneur suprême - invité à diriger le prochain concert du Nouvel An) considère l'acte musical comme une prise de risque permanente. L'expression, l'énergie rythmique, la caractérisation dramatique l'intéressent nettement plus que le fini d'une sonorité et le détail de la mise en place. (On notait en effet quelques décalages récurrents entre les vents et les cordes mais les deux concerts, intégralement enregistrés par Teldec, ainsi que les séances de corrections additionnelles devraient arranger les choses.)

L'entente d'Harnoncourt avec la mezzo-soprano italienne (qu'il connaît bien pour avoir souvent avec elle donné des concerts, et enregistré il y a dix ans un Lucio Sylla de Mozart) ne pouvait être qu'idéale : elle aussi, et cela va en s'accentuant au fil des années de sa jeune carrière, considère sa voix non comme un objet sonore dont la musique serait le faire-valoir, mais comme un outil infiniment coloré, flexible, au service d'une expression véritablement kaléidoscopique.

Le rôle d'Armide la fait entendre dans une tessiture tendue : il ne s'agit plus seulement de vocalises la maintenant passagèrement dans le haut de la voix mais d'une musique qui réclame les sons tenus d'un vrai soprano. Cecilia Bartoli  flirte avec un rôle qui n'est, a priori, pas pour elle, mais elle parvient à le chanter pleinement, en "ouvrant" et en projetant son aigu, sans tricher, en y mettant son habituelle énergie dévastatrice et communicative dont on ne peut que souhaiter qu'elle la contrôle totalement, le risque de se brûler les ailes n'étant pas improbable.

MUSICALITÉ RAYONNANTE

Le ténor allemand Christoph Prégardien n'a pas l'aigu rayonnant et facile, mais la qualité exceptionnelle de son timbre, sa profonde musicalité (affinée par une pratique constante, au concert et au disque, du lied) et sa présence sensible en font un Renaud extraordinaire. Et la musique qui lui est dévolue est de toute beauté : c'est lui le héros musical de cet opéra.

Deux autres ténors, Scott Weir et Markus Schaeffer, l'entourent dans des rôles plus discrets et plus moyennement tenus. On émettra des réserves sur Oliver Widmer dont le style débraillé, les intentions un peu lourdes frisent la vulgarité. Excellente tenue en revanche de Patricia Petibon dont on est heureux d'entendre le médium prendre du galbe et la voix, plus généralement, s'installer dans une musicalité rayonnante.

"Prêtée" à Teldec par Decca en "échange" de l'orchestre Giardino Armonico qui a enregistré avec elle un ébouriffant récital Vivaldi, Bartoli a pu réaliser ce vieux rêve de partenariat avec Harnoncourt. Sera-t-il suivi d'autres réalisations ? Si la mezzo-soprano, qui peut aujourd'hui se permettre une grande liberté, décide de ne pas renouveler un contrat d'exclusivité discographique, elle pourra continuer de travailler avec Harnoncourt et qui lui chaut. Le 4 juin à Vienne, le chef autrichien signait un contrat d'exclusivité à vie avec Teldec, assorti de projets foisonnants, d'une nouvelle version de La Passion selon saint Matthieu de Bach à l' Aïda de Verdi.

Renaud Machart                      

 

Cecilia Bartoli, olympienne, au Châtelet

LE MONDE | 04.10.01 | 12h45

 La cantatrice italienne dirigée par William Christie.

Article daté du 14.04.2000

Tout le monde avait le même tuyau : le tiercé Bartoli-Christie- Arts florissants était donné gagnant. La mise restait modeste, entre 50 et 350 F. Sur la page de garde du programme, en filigrane, le beau visage sérieux de Cecilia ; en seconde de couverture, le profil concentré de William, l'orbe des mains bénissant l'orchestre. Certains pourtant râlaient de ce que le nombre de concerti prît un telle place, de ce que les sept interventions de Cecilia parussent tenir la portion congrue. La rareté de ses récitals avait aiguisé au plus haut point les appétits.

Le premier concerto de Vivaldi fut écouté dans les délices préméditées de ce qui allait suivre : un motet et une superbe robe parme. Déjà l'orchestre tourbillonnait en unissons furieux. La voix faisait gronder et jaillir, tonner et crépiter les accents d'un courroux sans mesure. Le timbre prenait des teintes acier, les rafales vous projetaient comme fétus. Certains aigus, cependant, points d'aboutissement de ce merveilleux geyser vocalique, manquaient un peu de rondeur, d'ouverture et de projection. "Fais-moi pleurer, mon Jésus bien-aimé, et mes larmes réconforteront mon coeur" : la seconde aria est une merveille de masochisme religieux.

Pianissimi qui tuent, douceurs insupportables, Cecilia Bartoli et ses béatitudes d'amante pâmée. Sublime indiscrétion... Allons bon, la machine de guerre de l'Alleluia nous remettra sur pieds.

Second concerto, cette fois pour le flautino. Une drôle de petite flûte, vive et joyeuse, que Sébastien Marq maîtrise comme un beau diable. Au point que notre grand Bill de Buffalo en esquisserait quelque pas de faune dansant. Car s'il y a un hic, c'est bien l'absence de "nunc" de l'orchestre : monterait-il en graine ? Cela sonne poli et policé, un style que l'on pourrait paradoxalement nommer classique baroque.

AIRS DE SOMMEIL HEUREUX

Juditha triumphans : deux airs aux antipodes pour le serviteur d'Holopherne. L'un, tout de moelleux - Holopherne s'est assoupi en compagnie de Judith -, appartient à la catégorie des "airs de sommeil heureux". L'autre - découverte d'Holopherne décapité et désir de vengeance - est tout hérissé de pics et de fureur. Frémissant d'une rage impuissante, Cecilia prend ses marques comme pour une course d'élan, avant de porter le fer, le feu et le sang. Bientôt, la salle tout entière est prête au combat. Entracte.

Avec Haendel, la dérive expressive des continents Bartoli et Christie va s'accentuant. Dans Il Trionfo del Tempo e del Disinganno, le chant, libre et délié, bouleversant d'intimité et de puissance extatique, semble retenu au propre comme au figuré par un orchestre somme toute assez plat et décoratif. Jusque dans l'air magnifique "Lascia la spina" (préfiguration du fameux "Lascia ch'io pianga" de Rinaldo), où Bartoli donne la pleine et trop brève mesure ce soir de son talent d'amoureuse. Aussi le troisième concerto, malgré la sombre beauté du larghetto initial, la fugue à grand sujet, l'intensité mélodique de sa musette, paraîtra tirer à la ligne. Dans le brillant finale qu'est l'aria de l'Ange, extrait de La Resurrezione, Cecilia Bartoli fera la preuve qu'elle peut battre à la course tous les instruments, hautbois compris. Olympique et olympienne. Ex-voto général du public.

Marie-Aude Roux                            

 

 Le charme absolu de Cecilia Bartoli et Simon Rattle

LE MONDE | 04.10.01 | 12h45

Papier daté du 04.08.1999

SALZBOURG de notre envoyé spécial

Une soirée Haydn est toujours une excellente nouvelle - surtout lorsque Simon Rattle est annoncé, qui y excelle. On se réjouissait de retrouver le chef britannique, une semaine après des Boréades décevantes ( Le Monde du 29 juillet), mais on craignait de réentendre l'Orchestre de l'Age des Lumières, très peu à son avantage dans la très difficile (techniquement et stylistiquement) musique de Rameau. Quelques mesures de la Symphonie en sol de Haydn et nos craintes s'évanouissent. Les cordes ont retrouvé leur substance, les contrebasses n'ont plus cette sonorité grasse et comme distincte du reste (elles étaient placées le long du mur droit de la scène ; cette fois, elles sont à gauche, en haut de podium), les cors sont parfaits et les bois domestiqués, même si l'on peut rêver hautbois moins filiformes... Le Philharmonique de Vienne n'est pas toujours à la hauteur de sa réputation (lire ci-dessus) et l'on peut comprendre qu'une formation d'instruments anciens jouant Haydn et Rameau en alternance n'ait pas toujours l'homogénéité et la rondeur de sons adéquats.

Et pourtant, les violons assurent parfaitement les quelques redoutables acrobaties que leur impose Haydn et savent être lyriques. On se laisse émouvoir par le Largo de cette symphonie où le hautbois et le violoncelle solo chantent de concert sur un fond d'accompagnement sveltement et librement dirigé par Rattle. Tout l'inverse du très académique résultat artistique obtenu par Christoph von Dohnanyi à la tête de l'Orchestre de Paris, voici deux saisons, dans la même symphonie... Il suffirait de comparer ce qu'ils font de l'incroyable Menuet : une lecture à multiples niveaux, impeccable et humoristique, paysanne mais revue par le salon pour le Britannique, un pensum balourd et univoque pour l'Allemand qui croit encore au "papa Haydn" en gros sabots.

UN CHANT IMPECCABLE

On ne se serait pas souvenu de Dohnanyi dans cette symphonie s'il ne venait de diriger, à Salzbourg, la reprise de La Flûte enchantée, montée par Achim Frayer, et n'avait compromis la légèreté merveilleuse de cette production. Dohnanyi, dans ce répertoire - et, hélas !, dans beaucoup d'autres - est le symbole absolu de ces chefs intransigeants et totalement décalés avec leur époque. Au moins, en leur temps, les géants du pupitre impressionnaient autrement... Si on le compare à Klemperer, voire à Böhm, Dohnanyi n'est qu'un roseau peint en fer, selon cette savoureuse expression qui va comme un gant à ce chef plus sec que rythmique.

Une guest star de charme et de poids venait compléter le programme orchestral : Cecilia Bartoli, qu'on a croisée à bicyclette dans Salzbourg, tellement elle-même qu'on l'avait d'abord prise pour une touriste sportive... Sur scène, elle est toujours elle-même, c'est-à- dire les personnages qu'elle incarne. C'est une colonne d'air en pure vibration, un chant impeccable qui risque tout pour et par l'émotion, une virtuosité qui semble l'étonner elle- même et fait crouler de bonheur la salle. Comme Rattle, elle a l'insouciante insolence du talent inné, incontestable et dévastateur. Le charme absolu.

 

Renaud Machart                     

 

Cecilia Bartoli, cantatrice, poète et équilibriste

LE MONDE | 04.10.01 | 12h45

Cette splendide musicienne italienne de vingt-neuf ans est une sublime vocaliste qui varie les registres à l'infini

Article daté du 23.05.1996

Sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées, elle apparaît, comme toujours, fraîche, vive, simple, amicale (Le Monde du 22 mai). Elle semble dévisager un à un les auditeurs du parterre, salue le premier balcon, balaie du regard le reste de la salle en se frappant la poitrine du poing, remerciant ce public qui lui fait fête à l'issue d'un récital de musique méditerranéenne, partagé entre des mélodies en italien de Schubert et Beethoven, d'airs et de canzonettes de Rossini et Bellini et de ravageuses romances hispanisantes de Pauline Viardot-Garcia et Léo Delibes.

Et le public a raison : Cecilia Bartoli n'est pas une chanteuse à toilettes, une créature glamour diffusant les charmes d'une voix au velours infroissable, aux couleurs fixées une fois pour toutes. C'est tout l'inverse qui fait la singularité de cette artiste italienne de vingt- neuf ans : à chaque groupe de mélodies et d'airs, la voix semble autre, s'éclairer, s'assombrir, provoquer des mélanges de registres chantés en "son plein" ou, au contraire, sur le souffle. Lorsqu'on pense au piteux résultat auquel est parvenu l'Ircam pour la bande- son du film Farinelli, on se dit qu'il y avait là une vraie voix, longue, multicolore, hyper- véloce, à elle seule plus riche que celle des deux artistes réunis pour tenter de réincarner la voix mythique du grand castrat Farinelli.

 

Cette voix à la beauté presque électronique aurait pu être celle de Cecilia Bartoli, sublime vocaliste et splendide musicienne.

La force de Cecilia Bartoli est de savoir rassembler l'énergie, de la canaliser et de la distribuer selon une économie sonore à l'ambitus renversant. L'a-t-on prise en défaut ? Dans l'air de Gluck O del mio dolce ardor peut-être, où ce chant, raréfié, suspendu au souffle, mêlé à l'air, faisait perdre sa qualité à la ligne. Sur scène, ce genre de risque s'appelle le courage, ce mouvement infime de bascule qui transforme une machine bien réglée en être de chair et de failles. Il lui reste à oser s'entourer d'un pianiste plus artiste et d'un piano à demi ouvert, que sa voix ne doit pas craindre.

Dix voix en un même organe ? Certains pourraient s'inquiéter d'une telle mobilité, allant à l'encontre d'une "place vocale". Le "centre" de sa voix, Bartoli l'a assurément trouvé. Il est toujours présent, jusqu'au plus infime pianissimo.

DES SCHUBERT INATTENDUS

Cette production minimum de son concentré garantit une émission claire, sûre. Cecilia Bartoli n'a pas (encore) une voix d'une largeur exceptionnelle, mais la clarté, la justesse de son émission garantissent, jusqu'au dernier fauteuil du Metropolitan Opera, à New York, un niveau sonore dont personne ne s'est plaint. Son talent, voire son génie, consiste à savoir, sur une même note, faire entendre deux, trois, quatre "affects" différents. On imagine qu'au temps du bel canto, le vrai, les artistes devaient être capables d'ouvrir des perspectives sonores nouvelles à chaque rôle, à chaque air, à chaque note. Cecilia Bartoli use de cette capacité sans en abuser.

Des Schubert inattendus, scènes italiennes aussi déchirantes que celle de Marguerite à son rouet ; des Bellini superbes, des Rossini où elle sait faire rire avec un chic admirable. En final, un air étourdissant, implacable mécanique qui ne supporte pas le moindre raté : Riedi al soglio, extrait de Zelmira. Non seulement Cecilia Bartoli n'en rate pas un détail mais elle se permet de jouer avec cette mécanique huilée, de s'en jouer avec humour, dans une descente chromatique en roucoulades affolantes sans perdre le contrôle, le sérieux : absolue liberté, bravade icarienne qu'elle semble assurer de ses bras, cherchant l'équilibre, le point de juste poids du son sur l'air et le souffle... Volubilité d'une Teresa Berganza, sagesse d'une Christa Ludwig (deux modèles que Cecilia Bartoli reconnaît volontiers) : les meilleurs auspices semblent ouvrir la voie à une longue et magnifique carrière.

Renaud Machart                 

 

 

2001  : une année de rendez-vous avec Cecilia Bartoli

 LE MONDE | 31.12.01 | 11h40

A trente-cinq ans, la mezzo-soprano italienne est une star internationale. Celle qui fut une Rosine idéale , et chante désormais la musique ancienne, a accepté, durant quelques mois, que "Le Monde" la suive dans ses tournées de concerts en Europe.

MICHEL PICCOLI disait, dans un numéro récent de l'émission "Recto-verso", de Paul Amar, sur Paris Première, que son amie l'actrice Romy Schneider avait cette capacité de passer inaperçue dans la rue, habillée simplement et sans maquillage. Mais une fois apprêtée, devant les projecteurs, la star renaissait. Il en va de même pour la mezzo-soprano italienne Cecilia Bartoli : dans la vie de tous les jours, elle n'est que rarement maquillée et se vêt simplement, mais, sur scène, la Cecilia magicienne brille de tous ses feux.

On se souvient l'avoir rencontrée à Salzbourg, un soir de l'été 1999. Avec son compagnon, elle revenait d'une course cycliste en tandem. Nul besoin de dire que les quelques mélomanes attardés là, à la terrasse d'une improbable bodega à la mode autrichienne, n'en ont pas cru leurs yeux : Cecilia Bartoli en short de cycliste et sac à dos n'était pas tout à fait conforme à l'idée qu'ils se faisaient de la jeune cantatrice italienne.

Pourtant, aux débuts de sa fulgurante carrière, on la vit paraître dans la presse spécialisée en ragazza romaine façon rock star, assise en amazone sur une moto grosse cylindrée. Depuis, elle a appris à contrôler son image. Et lorsqu'elle la prête aujourd'hui aux publicités pour les montres Rolex, c'est une Cecilia Bartoli maquillée, mais la vraie Cecilia cependant.

Au milieu de l'été 2000, Cecilia Bartoli est de nouveau à Salzbourg, où elle n'est pourtant pas invitée à chanter ; on la rencontre par hasard devant le Grand Festpielshaus, mais près des vélos, pas des berlines avec chauffeur. "Je viens écouter mes collègues, voir des spectacles, découvrir des œuvres. Mais aussi juger du travail de metteurs en scène. Cela me permet de savoir avec qui je pourrai ou ne pourrai pas travailler", s'amuse-t-elle.

Elle se souvient d'une très mauvaise expérience à Salzbourg, où, pendant le travail de préparation d'un Cosi fan tutte, le metteur en scène avait dû quitter la production pour incompétence reconnue par tous. "Lorsque le spectacle a été repris, j'ai refusé d'y participer, pour ne pas revivre ce mauvais souvenir. Mais comme il y avait également une reprise de la merveilleuse production du Don Giovanni par Patrice Chéreau, on m'a demandé de chanter les deux, ce que j'ai refusé. Du coup, Gérard Mortier m'en a voulu, et je n'ai plus chanté sur scène à Salzbourg, seulement en concert, pour la programmation de Hans Landesmann", précise-t-elle lors d'une rencontre londonienne, en octobre.

Gérard Mortier, l'ancien directeur du Festival de Salzbourg, lui reprocherait, comme d'autres, ses cachets faramineux. "L'argent facile n'est pas le but de ma vie. Je suis toujours prête à discuter si le projet est intéressant, mais, en l'occurrence, Gérard Mortier a eu tort de confondre la hauteur de mon cachet et celle de mon exigence artistique, que je ne peux compromettre."Les cachets de la mezzo italienne ne sont pas bas, probablement situés entre 50 000 dollars, qu'elle recevait il y a cinq ans par concert, et 100 000 dollars (113 470 euros), le salaire obtenu par des sopranos comme Jessye Norman ou Kiri Te Kanawa.

Mais les salles sont constamment pleines, les recalés du box-office cherchent des billets à n'importe quel prix, ses disques se vendent comme des panettone à Noël, et sa maison de disques finance de longs spots publicitaires télévisés. On retrouve Cecilia Bartoli à Varsovie, le 10 mai 2001. Elle doit donner une série de concerts dans le pays et a accepté que Le Monde la suive. Dans le train pour Wroclaw, le lendemain, pendant que Cecilia s'est absentée du compartiment, on s'étonne auprès de son agent, l'Américain Jack Mastroianni, que Wroclaw puisse s'offrir - dans une salle dont la jauge se révélera assez moyenne, donc faiblement génératrice de recettes - l'une des artistes les mieux payées du moment. Mastroianni rétorque : "Les Polonais ont réussi à trouver du sponsoring. On n'a pas eu à ruiner les organisateurs, et le public polonais est ravi."

Car l'Italienne "paie comptant" à chacun de ses concerts, où son énergie est au service exclusif de l'expression offerte au public. Et elle offre aussi volontiers un vrai "retour sur investissement" à ses hôtes. A peine sortie du train pour Wroclaw, après quatre heures de voyage, elle répond aux questions des caméras de télévision, puis, à l'hôtel, se prête, avec cette bonne grâce souriante qui la caractérise, à une conférence de presse avant d'aller, immédiatement après, et sans avoir dîné, répéter avec le groupe d'instrumentistes italiens qui l'a rejointe sur place pour un nouveau programme.

Après le concert, elle s'attardera longtemps, avec chacun de ses admirateurs, pour des autographes. Véronique Le Guyader, son attachée de presse chez Decca à Paris, confirme : "Cecilia est d'une générosité totale avec tous : généreuse de son temps, de son amitié, et du reste." En janvier, nous rencontrons Cecilia Bartoli pour discuter avec elle de nos rendez-vous au cours de la saison, en vue de ce reportage pour Le Monde. Elle ouvre son carnet, discute l'intérêt de tel ou tel programme, évalue le temps dont elle disposera pour nous. En parcourant son planning des mois à venir, on se rend alors compte qu'elle ne surcharge pas son emploi du temps et qu'elle sait organiser son rythme en s'imposant de régulières périodes de repos. "C'est le seul moyen de tenir et de garder la voix en forme. Grâce à cela, je peux m'enorgueillir de n'annuler presque aucun concert pour maladie. Je fais attention, et, par ailleurs, je tiens à ma vie privée, à ma famille."

Se succèdent des spectacles à Zurich avec Nikolaus Harnoncourt, des récitals chant et piano avec Daniel Barenboïm en Amérique du Nord puis à Berlin, un peu plus tard (pas le surlendemain), la reprise d'un Don Giovanni à Zurich, une tournée en Europe du Nord et en Russie avec l'Akademie für Alte Musik, un programme avec Simon Rattle à Birmingham, un concert avec Claudio Abbado, un récital à Londres et, après le récital de Salzbourg, avec Jean-Yves Thibaudet, le 26 août, l'Orfeode Haydn, pour ses débuts au Covent Garden de Londres.

Le temps, le rythme sont essentiels - et la famiglia, toujours présente. A Monte-Carlo, en mai 1996, lors de notre première rencontre, son père, Pietro Bartoli, ancien chanteur, était là, assistant discrètement à l'entretien. A Varsovie, en mai 2001, dans sa loge, sa mère, Silvana Bazzoni, qui fut et est toujours son professeur, aide sa fille à se mettre en voix, à s'habiller. "Cecilia est une Italienne, elle aime sa famille, et ne peut la quitter. Elle a véritablement besoin de cette affection et de cet équilibre quand elle est en tournée", assure Jack Mastroianni, qui fait partie du premier cercle, depuis qu'il a connu la jeune Cecilia alors qu'il travaillait pour la très puissante agence de la Columbia Artists Management Inc. (CAMI)" Les gens de la CAMI n'ont d'abord pas vraiment cru en elle ; quand il ont vu quel était son potentiel et l'impact de son chant sur le public, ils ont essayé de l'embarquer dans des tournées exténuantes. J'ai refusé. Ils se sont braqués. Je les ai quittés, ai fondé mon agence. Certains artistes m'ont suivi, dont Cecilia. Nous ne nous sommes plus quittés depuis."

Les Italiens diront que Cecilia Bartoli fut révélée à dix-neuf ans, en 1986, par "Fantastico", une émission de télévision italienne ; les Français répliqueront volontiers que ce fut un hommage à Maria Callas, diffusé dans le cadre de l'émission d'Eve Ruggieri, sur Antenne 2, le 16 septembre 1987, qui la propulsa et la révéla au public et à Herbert von Karajan et Daniel Barenboïm - lesquels l'engagèrent sur-le-champ. Les Nancéiens se souviennent peut-être aussi que la belle Italienne s'est produite à Nancy en 1986, dans un spectacle monté par Antoine Bourseiller. Mais c'est à Milan, la même année, que, lors d'une audition de chanteurs, Christopher Raeburn, le légendaire directeur artistique d'enregistrement chez Decca, la découvre et lui fait bientôt signer un contrat. Elle enregistre son premier disque, un récital Rossini, en 1988, puis Le Barbier de Séville, en 1989. La suite appartient à l'histoire qu'on sait.

Aujourd'hui, à trente-cinq ans, Cecilia Bartoli est une star internationale. Mais celle qui fut la Rosine idéale de cette fin de XXe siècle chante désormais la musique ancienne, que tant de ses collègues méprisaient il y a encore quinze ans et qu'elle a découverte en travaillant très tôt avec Nikolaus Harnoncourt. Quand elle nous avait avoué cette envie, ce désir, en mai 1996, nous l'avions à peine crue. Depuis, ses récitals Vivaldi et Gluck ont été des succès. Celle qui chante Mozart et Rossini au Metropolitan Opera de New York prépare un disque consacré aux airs hyper-virtuoses pour le castrat Farinelli et ne repousse pas l'idée de regarder de plus près les monodies accompagnées du premier XVIIe siècle italien. Merci à Cecilia Bartoli d'être, dans ce monde lyrique mondialisé, notre exception culturelle et cultivée.

Renaud Machart                

A lire, à voir et à écouter

Cecilia Bartoli : The Passion of Song, de Kim Chernin et Renate Stendhal, HarperCollins, 1997, The Women's Press, 1998.

Cinderella &  Company, Backstage at the Opera with Cecilia Bartoli, de Manuela Hoelterhoff, Vintage Books, 1999.

 PARMI SES DISQUES :

Rossini : Airs, avec le Wiener Volksopernorchester, Giuseppe Patane (direction) ; Le Barbier de Séville, avec l'Orchestre et le Chœur du Théâtre communalde Bologne, Giuseppe Patane (direction) (Decca). Haydn : Armida, avec le Concentus Musicus de Vienne, Nikolaus Harnoncourt (direction) (Teldec). Mozart : Lucio Silla, avec le Concentus Musicus de Vienne, Nikolaus Harnoncourt (direction) (Teldec). Mélodies italiennes avec Andras Schiff (piano) (Decca). Mélodies et romances françaises avec Myung Whun Chung (piano) (Decca).

 DVD :

Rossini, La Cenerentola(Decca) ; Le Barbier de Séville (Arthaus Musik) ;Live in Italy (Decca)

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 01.01.02

 

Dangerous diva with a backpack

Opera fans worship at the feet of Cecilia Bartoli, everybody's favourite mezzo- soprano. So who was the short, plump, scruffy girl at the Royal Opera House?

Peter Conrad
Sunday October 14, 2001
The Observer


I am still not entirely sure that I met Cecilia Bartoli. When I turned up at the Royal Opera House, where she makes her debut tomorrow in Haydn's L'Anima del filosofo , I was introduced to a short, squat girl - plumply pasta-fed, dark-complexioned and scruffily-dressed - who bore no resemblance to the siren in the Rolex advertisements, or even to the zanily energetic virtuoso who had so often delighted me on stage.

Only when she laughed did I begin to believe my eyes, or rather my ears: its fizzy cascade of sound captured the ebullience that makes Bartoli's singing such a source of joy.

Everyone loved her from the start when in 1989, in her early twenties, she first appeared outside Italy. Her voice was languorous, sun-baked, but she used it with an almost frenzied technical abandon, spraying the air with effervescent coloratura as if she were a mermaid in a Roman fountain. She smiled as she sang, sharing our pleasure, and her shining eyes singled out every person in the audience as her confidant.

So prodigiously gifted, she seemed likely to have it easy. But she has made things difficult for herself - refusing appeals to record smoochy tunes by Puccini, risking obscure repertoire (the Haydn opera, a version of the Orpheus myth written for London in 1790 but never performed here, was resurrected at her insistence) and in the process she has turned into a great artist.

'The Barber of Seville is nice when you are 22 or 25,' she said, dismissing her earlier, peppier self. 'But there is no psychology in the personage; after a while, you can go no further. So I have followed the music. For a while, I thought it might lead me on through the nineteenth century, but instead it has taken me backwards, towards the baroque.'

Bartoli has cancelled plans to perform Bellini's Sonnambula - about a swooning romantic dreamer - at the Met in New York; she is sceptical about the painless death of Puccini's tubercular Mimi in Bohème . She prefers eighteenth-century characters, more emotionally fraught and less likely to take refuge in sentimental delusions: Mozart's self-castigating Fiordiligi in Cosi fan tutte, which she will sing in Salzburg with Simon Rattle, or the tormented heroines of Gluck, to whom her new disc, released tomorrow, is devoted.

Joan Sutherland used to disparage the twittering maladies of the women she impersonated, whom she called 'dippy dames'. Bartoli takes their distress seriously. In a concert performance of Haydn's Armida with Nikolaus Harnoncourt in Vienna last year, she raged through the enchantress's tirade, then slammed shut her score and stalked offstage: it was as if a thunderstorm had burst inside the gilded Musikverein. And recently at Carnegie Hall she delivered an elegy from Vivaldi's Farnace with a searing anguish that left her exhausted, unable even to acknowledge applause.

'The music convinces me,' she said of such moments when a passion takes possession of her. 'I believe the text, I feel it. That is what I am always looking for: words so intense that you can find music in them by colouring the voice or changing dynamics or giving them a different accent. It is what Monteverdi was after when he invented opera!'

Bartoli has postponed her encounter with Monteverdi, whom she calls with superstitious reverence 'simply impossible. You must be a great singer and a great actress. It is a complete vision - totale, integrale . I dream of singing L'incoronazione di Poppea some day'.

Meanwhile, her back-tracking exploration of the eighteenth century continues. 'The next step - after Vivaldi, after Gluck - is to try to reconstruct the repertory of the castrati.' She will sing some arias written by Hasse, Albinoni and Broschi for these caponised male divas in her concert at the Barbican on 21 December. 'My kind of voice, which we classify as mezzo-soprano, did not exist in the eighteenth century, when there were only sopranos and altos. Singers had much more flexibility then, vocally and also mentally. I am fascinated by these men like Farinelli and Caffarelli, who crossed all the borders.'

Is Bartoli, I wondered, actually a male castrato trapped in a woman's body? Two books about her by American female fans read like Sapphic mash notes. She disposed of the query with another shower of lyrical laughter. But when I asked her if there was any opera she dreamt of singing even though it might not be physically possible, she answered at once: 'Verdi's Otello - though I am not sure whether I would be Otello or Iago!' Desdemona is clearly not an option.

The doomed Euridice in L'Anima del filosofo, which she initially sang with Harnoncourt in 1995, was Bartoli's first tragic role, and it challenged her to outgrow her bouncy juvenile good humour. At Covent Garden, she will be setting herself another emotional test: she sings not only Euridice but also the psychopompos who accompanies Orfeo to the underworld, a phantom referred to as Genio. 'Harnoncourt did not believe I could do both, but this doppiamento makes sense, because Euridice and Genio are the two halves of Orfeo, his two selves. Euridice is love, which he loses. Genio is the philosophy - that's what the title of the opera refers to - that consoles him.'

The double role allows Bartoli to display a startling vocal range. Her Euridice is warm, grave, earnest; her Genio sounds astral, disembodied, lecturing Orfeo in an aria whose coloratura is literally unearthly. 'Genio,' she said, 'is like a bird. Or he can be just a wind, just a light.' Her hand swept through the air, both conjuring him up and waving him away again.

Despite Genio's wise counsel, Haydn's Orfeo dies heartbroken and demented, and is dismembered by the Bacchae. Bartoli prefers this comfortless conclusion to the fortuitously happy ending Gluck gave the myth in his Orfeo ed Euridice. 'They pleaded with me to include "Che faró" on my Gluck disc,' she said: this is the lament of Gluck's Orfeo, a favourite aria of Kathleen Ferrier and Janet Baker. She refused the concession to popular taste, perhaps because she dislikes Euridice's second return from the dead at the end of Gluck's opera.

Beneath Bartoli's vivacity, there lurks a grim Latin fatalism, which is what she sympathises with in La Cenerentola, Rossini's opera about Cinderella. She can tolerate comedy, so long as the characters are stoically suffering. 'Ah, Cenerentola - she is a fantastic woman. She takes life day by day, which is why she manages to be happy. Not like the ugly sisters, who are always saying, "I want a man, I want to be rich" or asking, "Am I beautiful?"'

Bartoli has a man: the wine-making musicologist Claudio Osele, who wooed her with bottles of olive oil from his estate on Lake Garda and edited unpublished arias by Vivaldi and Gluck for her recordings. She is surely rich, since her concert fee is £30,000. And when cleaned up and coiffed for the stage, she is beautiful. But she is also a Roman, who grew up surrounded by the wreckage of glory. Hence the manic glee of her singing: its willed optimism, like Genio's admonitions to Orfeo, is a command to seize the day.

'It is very mysterious,' she said to me about her gift. 'You either have it or not. It is a kind of aura. But why me? And for how long will I have it? I don't think I want to know.'

She then wrapped herself in her anonymous rehearsal clothes, picked up her backpack, and slouched off unrecognisably into the street. But that aura, her spirit-guide, accompanied her. Covent Garden's translators call Genio a Sibyl, which unfortunately evokes the quibbling heroine of Private Lives . Why not admit that Genio means Genius? For that is what Cecilia Bartoli possesses.

L'Anima del Filosofo opens tomorrow at the Royal Opera House; Gluck Italian Arias is released tomorrow (Decca 467248-2)

 

Aktualisiert am  Mittwoch, 10. Oktober 2001

 Ich habe einen Traum

Cecilia Bartoli, 35, ist die erfolgreichste Opernsängerin der Gegenwart. Nur Luciano Pavarotti hat mehr CDs verkauft als sie. Die in Rom geborene Mezzosopranistin wurde von ihren Eltern nach der Schutzheiligen der Musik benannt; ihre Gesangsausbildung erhielt sie, naheliegenderweise, am römischen Conservatorio di Santa Cecilia. Soeben ist ihre Aufnahme der Italienischen Arien des Komponisten Christoph Willibald Gluck (1714-1787) erschienen (Decca/Universal). Die Libretti zu diesen Arien hat der Dichter Pietro Metastasio (1698-1782) verfasst. Ein Sonett von ihm spielt in Cecilia Bartolis Traum eine große Rolle


Von Jürgen von Rutenberg (Aufzeichnung)

 

Es ist nicht so leicht, über Träume zu sprechen. Man denkt gleich an die ganz offensichtlichen Dinge, wie Frieden und Liebe - an all das eben, was wir uns alle wünschen. Mein besonderer Traum hat sehr viel mit einem Gedicht zu tun.

Es gibt da ein Sonett von Pietro Metastasio, dem großen italienischen Dichter des 18. Jahrhunderts. Metastasios Gedichte sind insgesamt fantastisch, aber in eines habe ich mich sofort verliebt, als ich es zum ersten Mal las. Er beschreibt darin, wie er selbst an seine Gedichte glaubt - wie sie ihn, schon während er sie schreibt, mitreißen, aufwühlen: »Werd' töricht so sehr ich von Mitleid getrieben / Daß falsche Not wütend und weinend ich erspüre«. Auf Italienisch klingt das natürlich noch viel schöner! Aber er beschreibt darin etwas, was auch mir passiert, wenn ich singe. In diesem Moment glaube ich vollkommen an das, was das Lied beschreibt. Auch ich werde dann »von Mitleid getrieben« und erspüre diese eigentlich ja nur erfundene Not.

Ganz wichtig ist diese Stelle hier am Schluss: Sogno della mia vita è il corso intero - der ganze Lebenslauf ist ein wahrer Traum. Das Gedicht endet, sinngemäß, mit den Zeilen: Wenn ich zu Dir komme, o Herr, wenn ich aufwache von meinem Traum und das wahre Leben entdecke, dann hilf mir, Frieden zu finden in der Wahrheit.

In diesem Sonett finde ich viel von mir wieder. Mein Leben ist so stark mit der Musik verbunden, sie ist meine große Leidenschaft. In diesem Text fühle ich aber, dass meine Verbindung zur Musik über die Leidenschaft noch weit hinausgeht. Für mich ist das nicht nur schöne Poesie. Ich singe diese Poesie. Und in gewisser Weise lebe ich sie auch.

 

 

Sogno della mia vita è il corso intero

di Pietro Metastasio

 


Sogni e favole io fingo; e pure in carte
mentre favole e sogni orno e disegno,
in lor, folle ch'io son, prendo tal parte,
che del mal che inventai piango e mi sdegno.


Ma forse, allor che non m'inganna l'arte,
più saggio io sono? È l'agitato ingegno
forse allor più tranquillo? O forse parte
da più salda cagion l'amor, lo sdegno?


Ah che non sol quelle, ch'io canto o scrivo
favole son; ma quanto temo o spero,
tutto è menzogna, e delirando io vivo!


Sogno della mia vita è il corso intero.
Deh tu, Signor, quando a destarmi arrivo,
fa ch'io trovi riposo in sen del Vero.

 

fingo: immagino

pure in carte: però

allor che: allorquando

parte: trae origine

cagion: da un motivo più reale

Sogno della mia vita è il corso intero: Il corso intero della mia vita è un sogno

 

 

Musik und Dichtung gehören zu meiner Realität. Warum gehen die Menschen in die Oper? Es ist eine Suche; ein Versuch, das Alltägliche hinter sich zu lassen, an einen Ort unwirklicher Wirklichkeit zu gelangen, an eine Art Traumort. Es gibt dort schöne und schlimme, glückliche und melancholische Träume - all das, was die Musik zusammen mit dem Text hervorbringen kann.

Gleichzeitig liebe ich Dinge, die ganz eindeutig real sind: Berge, Wälder, das Meer, meine Familie. Die sind mir sehr wichtig. Eine permanente Traumwelt, ohne dieses Gegengewicht, würde für mich bald ihre Faszination verlieren.

Wenn ich singe, laufen in meinem Kopf manchmal Filme ab. Manchmal sind es Situationen, die der Komponist gesehen haben könnte. Bei Vivaldi ist sehr viel vom Meer zu hören, er benutzt das Meer als Metapher für menschliche Empfindungen. Es ist wichtig für mich, das in meinen Vorstellungen zu verwenden. Es können aber auch Filme und Bilder aus unserer Zeit sein, die für mich zur Musik des 18. Jahrhunderts passen. Manchmal hat man beim Singen Vorstellungen, die viel stärker sind als die Realität. Um Musiker zu sein, braucht man viel Fantasie, das ist klar.

Ich singe die Werke von Leuten, die schon vor langer Zeit gestorben sind. Mein Ziel ist es, die Musik von Mozart, Haydn, Vivaldi wirklich zu verstehen. Nicht nur die Noten zu lesen, sondern auch das, was hinter den Noten steht: Ist es das, was der Komponist gemeint hat? Oder nur meine Vorstellung davon? Ein großer Traum wäre natürlich, eine klassische Oper aufzuführen, bei der der Komponist anwesend ist. Das wäre faszinierend. Der große Meister würde mich vielleicht zurechtweisen: »Cecilia, was du da machst, ist völlig verkehrt! Alles, was du seit 25 Jahren gesungen hast, war komplett falsch! So habe ich das nun wirklich nicht gemeint!«

Wenn ich mir nun einen Komponisten für so eine Begegnung aussuchen müsste - darf ich auch drei? Okay. Also, der erste wäre - auch wenn das jetzt nicht sehr überraschend ist -: Wolfgang Amadeus Mozart. Über ihn habe ich mir natürlich schon sehr viele Gedanken gemacht, viel über ihn und seine Zeit gelesen. Das ist alles schön und gut - aber alles Lesen reicht nicht. Am Ende geht es darum zu singen!

Wenn ich Mozart jetzt hier in dieser Hotelbar treffen würde? Wir würden einen Marzemino zusammen trinken, denn diesen Wein trinken sie auch im Don Giovanni: »Versa il vino! Eccellente marzemino!« Den würde er also kennen. Ich würde ihn fragen, wie sehr sich der Marzemino seit dem 18. Jahrhundert verändert hat. Vielleicht würde er ja sogar unsere heutige Version viel besser finden.

Nach einem Gläschen von diesem Wein würde ich ganz vorsichtig anfangen, mit ihm über eine mögliche Zusammenarbeit zu reden. Er hat so viele Arien für eine große Sopranistin seiner Zeit geschrieben, Nancy Storace. Eine ganze Oper sogar - sie war die erste Susanna in Figaros Hochzeit. Da könnte er doch vielleicht auch für mich ...? Aber vielleicht bilde ich mir da viel zu viel ein, und er sagt zu mir bloß: »Vergiss es! Du bist doch überhaupt keine Opernsängerin. Such dir einen andern Job!« Ich hätte also auch etwas Angst vor dieser Begegnung. Mozart zu treffen wäre nicht unbedingt die reine Freude. Es könnte auch ein Desaster werden, ein Albtraum! All meine Illusionen, all meine Wünsche und Hoffnungen, meine ganze Leidenschaft für die Musik - alles dahin, nur durch diese eine Begegnung!

Soll ich das wirklich riskieren? Unbedingt, denn es könnte ja auch sein, dass er doch etwas für mich komponiert, wer weiß? Wenn nicht in diesem, dann vielleicht in einem anderen Leben - in dem wahren Leben, von dem Metastasio spricht.

Der Nächste, den ich gern treffen würde, wäre Monteverdi. Das könnte noch problematischer werden, denn er ist für mich der Komponist, der die Oper erfunden hat. Wenn ich mit ihm sprechen könnte, fiele es mir schwer, Worte zu finden. Die Schönheit ... die Lyrik ... die Musik ... - wie er das alles miteinander verbunden hat zu einer absoluten, idyllischen Kombination. Weil ihm die Sprache so wichtig war wie die Musik, schaffte er eine einzigartige Fusion aus beidem. Ich würde ihm also vor allem danken wollen. Überhaupt sollte sich jeder ab und zu vor Monteverdi verbeugen! Er schwebt ganz weit da oben, direkt unter dem lieben Gott. Seine Musik kommt jedenfalls aus einer Dimension, die sehr nah an Gott dran ist - an dem, was Metastasio die Wahrheit nennt.

Mein dritter Traumtermin wäre mit Antonio Vivaldi. Er muss so ein interessanter Mensch gewesen sein. Er war Priester, Manager, Impresario, Komponist - und offenbar eine ziemlich komplizierte Persönlichkeit, eine Seele, die ständig im Konflikt mit sich war, ein zerrissener Mensch. Mit ihm zu arbeiten wäre sicher äußerst intensiv, und ich kann mir vorstellen, dass er auch ziemlich unhöflich, sogar ruppig werden könnte. Aber das wäre es mir wert.

Denn ich verbringe so viel Zeit mit diesen Komponisten und versuche ständig, alles über sie zu erfahren - und gleichzeitig gibt es diese Frustration, weil uns in der heutigen Zeit natürlich vieles verborgen bleiben muss.

Letztlich ist es dann aber doch noch wichtiger, der Musik zu dienen. Wir Musiker stehen zwischen den Komponisten und den Zuhörern. Je mehr man ständig fragt, auch sich selbst infrage stellt - desto mehr wächst man mit der Komposition, und desto mehr kann man dem Publikum geben. Wenn wir die Musik aufführen, haben die Zuhörer die Möglichkeit, die Art von Träumen zu erleben, die in der Musik liegen. Das ist das Wichtigste. Man braucht gleichzeitig diese Demut vor den Komponisten - und dann den Mut, der Musik eine bestimmte Form zu geben.

Mein Traum für mein eigenes Leben ist, immer die Neugier auf das Leben zu behalten. Ich bin jetzt an einem Punkt in meinem Leben angekommen ... vielleicht in der Mitte, wer weiß. Die zweite Hälfte liegt vor mir, und vielleicht ist sie ja der interessanteste Teil des Lebens. Ich habe jetzt mehr Gelassenheit als vorher, viele Dinge sehe ich klarer. Glaube ich. Es ist wichtig, nicht immer nur durch die Gegend zu hetzen, sondern sich Zeit zu nehmen. Sonst verpasst man alles. Ich habe gemerkt, dass das Leben kurz sein kann. Deswegen versuche ich, mir mehr Zeit zu nehmen. Auch das ist ein Traum von mir: so viel Gelassenheit wie möglich zu erlangen inmitten des lärmenden Treibens.

Das Wichtigste ist, dass man im Laufe seines Lebens seine Seele bereichert. Die Neugier ist dazu eine wichtige Voraussetzung. Wenn man ganz intensiv zuhört - dann sind wir wie ein Schwamm, der alles aufsaugt. Das, was wir nehmen, können wir auch geben, in der Musik, in der Familie. Ich möchte auf keinen Fall eine bittere Person werden. Natürlich ist das Leben oft auch sehr schwer, und wenn es zu schwer ist, kann die Seele nicht wachsen. Ich wünsche mir die Energie, weiterhin viel geben und nehmen zu können.

Musik ist das beste Mittel, sich diese Energie zu bewahren. Das sage ich natürlich auch, weil ich Sängerin bin und weil ich für mich persönlich weiß, was es bedeutet. Aber ich glaube, es ist sehr wichtig für jeden von uns. Besonders für junge Menschen. Es ist so wichtig, dass Kinder und Jugendliche schon früh für Musik sensibilisiert werden. In den Schulen in Italien wird Musik kaum noch unterrichtet. Wo sie angeboten wird, ist sie freiwillig; wer nicht will, geht so lange draußen eine Coke trinken. Das ist nicht gut. Musik ist genauso wichtig wie Geografie, Geschichte, Mathematik. Wir sollten Musik als eine echte Medizin ansehen, die jeder zu Hause haben sollte - wie Aspirin. Nur dass Musik noch viel länger und fundamentaler wirkt: Sie beeinflusst dein ganzes Leben.

Sie hilft dir, zu nehmen und zu geben. Je mehr man das tut, desto größer wird die Seele, und irgendwann wird sie so groß, dass sie wichtiger ist als dein Körper - bis es schließlich keinen Grund mehr gibt, noch an seinen Körper gebunden zu bleiben.

Wir alle müssen irgendwann gehen. Ich träume davon, diesen Übergang so sanft wie möglich zu erleben. Viele transzendentale Erlebnisse im Leben zu haben - damit der Moment, in dem ich vom »Traum« in die »Wahrheit« übergehe, nicht so abrupt ist. Eine Vorahnung davon bekomme ich in Metastasios Sonett. Es verwischt die Grenzen zwischen Leben und Tod, Dichtung und Musik, Wirklichkeit und Traum.

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